Orange Bank va bousculer le secteur bancaire
Le fait qu’un opérateur téléphonique amorce une entrée dans le secteur bancaire avec une telle ambition est une première. Et il n’y a pas meilleur moment pour lancer cette offensive, qui va créer, nous en sommes persuadés, une vraie rupture dans le secteur bancaire, et ce pour plusieurs raisons simples.
POURQUOI ORANGE A DU POTENTIEL DANS LA BANQUE ?
Ce qui saute aux yeux quand on étudie la pertinence du projet Orange Bank, c’est tout d’abord la force de frappe du groupe télécom. Orange a en effet beaucoup de clients (environ 27 millions sur le mobile et 10 millions sur le haut débit), une forte image de marque et possède un réseau de distribution multicanal très puissant avec environ 850 boutiques. En plus, le groupe connaît très bien ses clients, qu’il s’efforce de satisfaire depuis de nombreuses années dans un secteur beaucoup plus compétitif que la banque. En effet, le taux d’attrition (churn rate en anglais), qui mesure le taux de perte de clients sur une année est d’environ 15 % dans les télécoms et de seulement 4,5 % chez les banques… pour l’instant. Orange parait mieux équipé en terme d’outil d’analyse de données clients que les banques afin de mieux comprendre leurs attentes et les retenir.
Ensuite, il faut remarquer que le groupe télécom n’en est pas à son coup d’essai dans les services financiers, loin de là. Cela fait de nombreuses années que Orange Money, un service mobile de paiement, se développe à une vitesse croissante dans 14 pays d’Afrique et totalise plus de 20 millions de clients. Plus proche de nous, la Pologne a servi de terrain d’essai pour développer une application de paiement, de transfert et de retrait d’argent qui a déjà convaincu près de 350 000 clients en 2 ans. Et en France, Orange Cash, un système de paiement sans contact, connait des débuts prometteurs depuis son lancement en octobre 2015.
EN QUOI LE CONTEXTE ACTUEL EST FAVORABLE AU LANCEMENT D’ORANGE BANK ?
Comme nous l’avons fait remarquer dans notre article sur la loi Macron, il sera plus facile pour les particuliers français de changer de banque à partir du 6 février prochain. La prise en charge par les banques de toute la partie administrative liée au changement de domiciliation bancaire va en convaincre plus d’un de claquer la porte pour aller voir si l’herbe est plus verte chez Orange…
La banque mobile a de beaux jours devant elle. Certes, nous sommes de plus en plus nombreux à connaitre les banques en ligne, mais il reste une grande marge de progression en terme de parts de marché, comparés notamment à d’autres pays européens. En plus, le mobile est devenu le point de contact le plus important entre les banques et leurs clients, l’endroit où la plupart des transactions et des échanges sont effectués. Une connaissance fine du mobile et de la gestion des cartes sim pourrait permettre à Orange de proposer de nouvelles fonctionnalités.
Il se pourrait que d’autres opérateurs télécoms suivent la même voix audacieuse d’Orange de venir tailler des croupières aux banques traditionnelles. Notamment SFR qui s'apprête à lancer cette année un terminal de paiement mobile à destination des commerçants, le “Let’s Pay by SFR”. Encore une solution transformant son smartphone en terminal de paiement, il y en a plusieurs, le secteur est voué à se concentrer pour ne garder que les meilleurs, ayant racheté les plus petits. Il parait que SFR est en discussion avec des banques afin de lancer sa solution de porte-monnaie électronique, tandis que Free de son côté a simplement déposé le nom de marque FreeBank il y a déjà de cela 17 ans…
COMMENT ORANGE BANK VA DÉPLOYER SON OFFRE ?
Orange Bank est une entité qui détient l’agrément bancaire et qui appartient à 65 % à Orange et à 35 % à Groupama. Cette dernière a cédé à Orange sa filiale bancaire, Groupama Banque. Orange a pour vocation d'être présente à 100 % sur le mobile tout en effectuant la commercialisation dans ses boutiques au début, dans un soucis de pédagogie et pour toucher le plus grand nombre de personnes.
La stratégie d'Orange est de proposer un offre bancaire entièrement centrée sur le mobile, avec des services classiques de compte courant, d'épargne, de crédit à la consommation et d'assurance. C'est seulement dans un deuxième temps que le groupe proposera également des offres de crédit immobilier. La tarification sera probablement moins agressive que les banques en ligne qui sont pour la plupart gratuites, mais l'offre d'Orange Bank restera accessible, environ 2 € par mois selon les estimations. Les ouvertures de compte seront proposés sous la marque Groupama Banque dans les agences Groupama et Gan ainsi que dans plus d'une centaine de boutiques Orange. Les pièces justificatives demandées seront les mêmes que lors d'un abonnement téléphonique et la carte bancaire sera mise à disposition du client sous 3 jours.
Nous vous tiendrons rapidement informés dès que l'offre sera proposée, courant février ou mars prochain.
QUELLES DIFFICULTÉS ORANGE BANK DEVRA SURMONTER POUR S’IMPOSER ?
On l'a vu, le projet ambitieux d'Orange de se lancer dans la banque a de nombreux atouts et bénéficie d'un contexte réglementaire favorable. Pourtant ailleurs dans le monde, de nombreux opérateurs ont également testé cette reconversion, mais sans grand succès. Et si la banque mobile (le m-banking) connait un franc succès en Afrique c'est parce l'accès aux banques traditionnelles y est limitée alors que dans le même temps la population est de mieux en mieux équipée en téléphonie mobile. C'est une autre histoire en Europe, et notamment en France, où les particuliers prennent beaucoup de temps à changer leurs habitudes et où les banques continuent de faire face à une érosion de leurs marges avec la baisse des taux enclenchée par la BCE.
Il apparaît clairement selon certains experts que la branche banque mobile d'Orange ne sera pas immédiatement rentable. C'est davantage par stratégie, pour occuper le terrain et fidéliser ses clients que l’opérateur se lance dans le secteur bancaire. Sa connaissance du mobile lui permettra sûrement de proposer des services plus funs et agiles mais attention, en face les banques se font déjà remettre en question depuis un moment par les fintechs et ont donc déjà bien entamé leur reconversion en investissant massivement dans le développement de l'ergonomie et de la réactivité de leurs services.